alias entrepreneur·e : la recette derrière la création de la marque

À l’automne 2017, j’ai eu le privilège d’aider mon vieil ami Serge Beauchemin à pitcher sa nouvelle idée d’affaires à des commanditaires (dont Banque Nationale), et j’ai ensuite eu la chance de concevoir et produire cette idée, qui est devenu le succès alias entrepreneur·e.

Je suis retombé récemment sur des cahiers de notes et j’ai cru pertinent de revisiter les balbutiements de ce projet et de le présenter en tant qu’étude de cas sur la création d’une marque.

D’abord la mission

Je dois dire une chose importante : beaucoup de gens s’essaient à faire et vendre des formations en ligne. Je vois même des gens sans réel parcours – mais qui sont juste d’excellents communicateurs ou formateurs – sortir des programmes sur des sujets qu’ils n’ont jamais vraiment pratiqués.

Bref, des entrepreneurs dont leur seule entreprise à vie est une formation sur l’entrepreneuriat.

Aucune personne au Québec ne peut prétendre avoir autant la légitimité de le faire que Serge Beauchemin. Ce n’est pas juste quelqu’un qui a réussi en affaire, c’est aussi un véritable geek de l’entrepreneuriat. Il incarne véritablement cette mission de promouvoir l’entrepreneurship.

C’est d’ailleurs la raison #1 de son succès. Il n’est pas devenu un geek de l’entrepreunariat en ayant du succès en affaires. Il est d’abord un geek des affaires, et il a utilisé ses connaissances et son savoir pour obtenir du succès.

La distinction est importante et elle justifie pourquoi il est le mieux placé pour devenir le port-étendard de l’entrepreneuriat au Québec.

Les contraintes

Étant moi-même entrepreneur, le défi lancé par Serge était le suivant: le projet doit être un projet d’affaires et il doit être rentable. Et pas question de siphonner des centaines de milliers de dollars inutilement, on doit « bootstrapper » et le faire avec ce qu’on a sous la main.

C’est d’ailleurs une leçon importante de la réussite: il ne faut pas dépendre d’un gros budget, car autrement il faudra dépendre de gros revenus. Si on est pas capable d’être autosuffisant ou en profit, ça ne sert à rien de le faire. Une entreprise doit être capable de créer de la valeur.

Dès le départ, notre approche était de mettre en ligne ce qu’on appelle un MVP, un minimum viable product. D’ailleurs, j’aime bien cette phrase de Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, qui illustre bien la position dans laquelle on était : « If you are not embarrassed by the first version of your product, you’ve launched too late. »

Trouver le nom

Dès janvier 2018, un fois qu’on avait convaincu les premiers partenaires, j’ai eu la tâche de trouver le nom parfait pour ce projet. Pourquoi ne pas garder tout simplement le nom de son instigateur et promoteur? Le projet n’était-il pas juste l’extension de ce que faisait déjà Serge?

Il y avait une véritable volonté de créer quelque chose qui dépasse Serge et que les entrepreneurs allaient pouvoir s’approprier. Par ailleurs, il aurait été difficile de vendre à des partenaires un projet entièrement nouveau s’il était resté dans la suite même des activités du promoteur. Il fallait se distinguer.

Le nom de ce nouveau projet se devait d’être sans équivoques et suggérer qu’on est un mouvement et une force incontournable. Le projet allait être davantage qu’un simple média ou une extension de la marque Serge.

Les aspirants?

Pour trouver le nom, voici le processus que j’ai utilisé.

  • J’ai fait un brainstorm avec des collègues, puis une recherche de mots, synonymes, et je me suis bâti un lexique.
  • J’ai fait des agencements et j’ai fait très rapidement des logos « cheap » avec une app qui s’appelle WordSwag (sur mon iPhone).
  • J’ai testé ces logos sur des images, des citations, avec différentes couleurs.

Voici que ce que j’ai retrouvé dans mes notes :

  • Le mouvement entreprendre ou Mission entreprendre – des noms assez génériques mais qui ont l’avantage de tout dire. C’était mes deuxième choix.
  • Alt Entrepreneur – un clin d’oeil à Alt Court, le festival créé par le commanditaire d’Alias, la BN. Mais c’est assurément trop proche de Alt Hotels.
  • Faire – Un nom qui évoque l’action, mais qui est peut-être trop flou.
  • L’équipe – Comme pour dire que vous avez une équipe derrière vous grâce à la plateforme.
  • Le boum entrepreneurial – Parfait si c’était une discothèque.

Finalement, Alias l’a remporté car en plus d’être un bon nom pour la plateforme, c’est égalementun slogan. Aussi, tout le monde peut se l’approprier et l’accoler à son nom, comme ça:

David Pieropan, alias entrepreneur.

(on connait mieux son pendant anglophone, AKA, qui veut dire Also Know As)

Le branding

Je suis un partisan de la simplicité. L’un de mes livres préférés est design? de Frédéric Metz, qui était un designer, professeur et communicateur québécois d’origine suisse dont l’influence est omniprésente aujourd’hui. Metz privilégiait la clarté et la fonction d’abord et avant tout.

Le logo Alias, c’est très simplement la très répandue typo Helvetica sur un carré rouge. Le carré a une fonction très utile. En plus d’être très voyant, il paraît bien dans le coin des vidéos. Le rouge évoque force et action, mais aussi un peu le partenaire Banque Nationale.

Certains ont dit que le carré rouge rappelle les grèves étudiantes, d’autres ont dit le logo de La Presse. C’est évident que nous n’avons rien réinventé, l’idée était d’avoir un logotype simple et facilement reconnaissable. Nous avons eu raison, le logo est désormais une icône reconnue.

Le fameux « point médian + e »

C’est le fameux Frédéric Metz qui a fait rajouter le petit accent sur le sigle de l’Uqàm, l’Université du Québec à Montréal. Un ajout qui change subtilement la marque avec beaucoup de style. Le point d’orgue du branding d’Alias, c’est l’utilisation de l’écriture inclusive avec l’ajout du point milieu pour marquer le genre des mots.

En version longue, on écrit donc alias entrepreneur·e.

Il faut donc se lancer!

Une idée bien ficelée, un partenaire sur papier, il faut se lancer. Le défi était de taille: lancer un nouveau média en moins de 3 mois, avec des moyens limités, un promoteur qui ne fait pas de compromis et surtout qui met sa réputation en jeu.

Tous les chantiers sont lancés en même temps : un CRM et ESP, un LMS, des stratégies sur les médias sociaux, des outils de marketing, des outils d’analyse de données, un site web WordPress, des formations, des lives, une campagne promo, des publicités, des partenaires à servir, des abonnements par milliers à attribuer, des articles à écrire, etc, etc.

Et si vous connaissez bien le personnage Beauchemin, on va devoir réussir à tout faire ça sans compromis et à la date fixé.

Alias Gary Vee

L’élément le plus intéressant de la stratégie, à mon humble avis, est la forme qu’on a développée pour le tournage des vidéos.

Étant également un producteur tv et de contenus web, je savais que l’approche qui fonctionnait le mieux est celle « spontané » et dans le quotidien, similaire à ce que fait l’entrepreneur américain Gary Vaynerchuk (alias Gary Vee). Le contenu de ce dernier a été la principale influence dans notre approche. Nous avons donc fait l’acquisition d’une caméra et d’équipements qui permettaient les tournages en mouvement, comme Gary Vee.

Nous savions aussi d’ailleurs que Serge n’allait pas supporter avoir un long texte à suivre, mais qu’il pouvait vulgariser facilement un sujet avec une liste à points. La formule était donc trouvée: on tourne en situation réelle, avec des notes et de la recherche pour aider Serge, parfois des invités.

Cette approche avait le double avantage de pouvoir montrer Serge dans sa réalité. Le contenu allait donc devenir un accès sans filtres avec la personnalité. Au montage, nous avons privilégié des contenus courts, beaucoup de texte à l’écran et un dynamise qui rend l’écoute facile pour des entrepreneurs occupés.

Gary Vee

Quelques années plus tard

Une leçon de cette expérience? Aujourd’hui, la marque et le marketing doivent être créés en même temps que le produit. C’est le fondement même de votre entreprise et une condition au succès.

Après plusieurs années, le projet alias entrepreneur·e remplit toujours sa mission et il est devenu le mouvement qu’il aspirait à être. En plus d’être utile (et probablement rentable), le projet nous indique la marche à suivre pour les médias de demain: se positionner dans des niches fortes, être totalement incarnée par des vrais passionnés, avoir une approche omnicanale et apporter constamment de valeur à son audience.